Une histoire culturelle de l’escalier

Juil 19, 2021
admin

Stairway to Heaven – Une histoire culturelle de l’escalier

L’escalier est presque aussi vieux que l’humanité, il nous aide à franchir les distances verticales. De l’Antiquité à nos jours, il a acquis un puissant symbolisme culturel, qui va au-delà de sa simple fonctionnalité. C’est un emblème religieux, un symbole de statut ou – comme dans le film Joker (2019) – même un déclencheur d’une hype internet mondiale. Dans notre petite histoire culturelle de l’escalier, nous vous montrerons comment ses significations ont évolué au cours des siècles.

L’Antiquité : ciel & terre

L’idée de combler les distances verticales avec des marches remonte au début de l’âge de pierre. Les escaliers en troncs de bois, c’est-à-dire les marches taillées dans les troncs d’arbres, ont aidé les humains dès les premiers temps à gravir certaines hauteurs. En tant qu’élément de conception esthétique, les escaliers ont été utilisés pour la première fois en 10000 avant J.-C. à Göbekli Tepe, un site préhistorique en Turquie, avec ses célèbres tours de temple étagées. Ces siggurats sont devenus une forme d’architecture populaire à l’époque. Selon des découvertes récentes, la tour biblique de Babel utilisait une telle architecture. Les tours contenaient un temple, qui n’était accessible que par un escalier raide. Dès lors, l’escalier est devenu un symbole du lien entre le ciel et la terre, un accès topographique au transcendant et à l’infini. Les marches abruptes et apparemment en saillie vers le ciel de la pyramide maya de Chichén Itzá (Mexique) témoignent de ce puissant symbolisme. Marcher à l’étage était considéré – au sens métaphorique – comme une ascension ou une voie processionnelle. Ce sont également les différences sociales, économiques et politiques qui pouvaient être symbolisées par des marches. L’escalier n’était plus seulement un objet fonctionnel, mais un système de signes dynamique, dont la signification changeait au fil du temps. Dans l’Antiquité, les escaliers faisaient partie intégrante des paysages urbains quotidiens. En raison de leur symbolisme, ils étaient principalement utilisés pour les bâtiments sacrés et représentatifs. Des constructions impressionnantes comme le théâtre de Delphes ou le Colisée de Rome étaient caractérisées par leurs innombrables marches. Les escaliers ne servaient pas seulement de voies d’accès, mais aussi de sièges pour le public. Cette structure populaire se retrouve encore aujourd’hui dans nos stades de football ou nos salles de concert. Le symbole de l’escalier comme chemin vers le ciel est également toujours ancré dans notre culture populaire, comme le montre la chanson « Stairway to Heaven » de Led Zeppelin.

Le Moyen Âge : Fonction

Au Moyen Âge, c’est la fonction pratique de l’escalier pour franchir les hauteurs qui a de l’importance. Car les maisons de marchands se sont multipliées avec plusieurs étages, où les entrepôts étaient situés dans les combles. L’escalier était donc indispensable pour transporter les marchandises à l’étage. Afin de répondre aux nouvelles exigences, la forme de l’escalier a subi quelques modifications. Les escaliers en colimaçon ont connu une grande popularité, notamment dans les tours rondes des châteaux. Grâce à sa construction incurvée, le feu ne pouvait pas se propager aussi rapidement dans l’escalier. De plus, il donnait au seigneur du château un avantage significatif en combat rapproché. Au Moyen Âge, les escaliers en colimaçon étaient courbés dans le sens des aiguilles d’une montre, de sorte que l’adversaire intrus ne pouvait pas frapper son épée aussi bien que le seigneur du château depuis le haut.

Baroque &Époque moderne : Représentation

Alors que le Moyen Âge appréciait la fonctionnalité de l’escalier, son puissant symbolisme prend de l’importance à l’époque baroque. Il était utilisé comme un élément décoratif et représentatif dans les châteaux et les bâtiments publics. Il était censé créer un visuel de l’ordre social. Plus l’escalier était pompeux et opulent, plus le rang social de son propriétaire était élevé. Un exemple impressionnant est l’escalier de Balthasar Neumann à la Residenz de Würzburg. Le plafond est recouvert d’une fresque de l’artiste vénitien Giambattista Tiepolo, qui était la plus grande fresque jamais peinte en 1753. Pour les classes moyennes et les marchands, l’escalier est devenu un symbole de statut économique au cours du 17e siècle : Les Pays-Bas, par exemple, ont introduit une taxe sur les escaliers, qui devait être payée en fonction du nombre de marches devant la porte d’entrée. Les riches marchands ont donc construit des maisons avec des escaliers très hauts, afin de démontrer leur richesse. L’escalier est devenu un objet d’auto-modification pour les riches. Selon le sociologue américain Thorstein Veblen, cette « consommation ostentatoire » est un phénomène qui montre comment les gens se définissent par rapport à leurs biens de consommation. La façon dont la simple invention de l’escalier a été modifiée pour répondre aux exigences de l’époque est également visible dans les escaliers du XXe siècle. Le musée Guggenheim à New York de Frank Lloyd Wright est radicalement innovant : Au lieu d’étages, une galerie en rampe s’étend du sol au sommet en une spirale continue. La culture populaire fait allusion à son caractère d’outre-monde : le musée a été montré comme décor de film dans la comédie fantastique Men in Black (Lien : https://www.youtube.com/watch?v=icErgB_ZmFM).

L’escalier au cinéma

L’escalier a en effet stimulé l’imagination cinématographique : L’une des scènes les plus célèbres de l’histoire du cinéma se situe en fait dans un escalier. Dans le film Le Cuirassé Potemkine (1925) de Sergej Eisenstein, une poussette avec un jeune enfant dévale les marches de l’escalier d’Odessa sous le feu des fusils, tandis qu’une foule fuit, paniquée, les soldats (Lien https://vimeo.com/146153280 ). Des images de chaos avec des soldats meurtriers et des visages en sang sont créées sous forme de montage. L’escalier est ici montré comme un décor de violence et symbolise la descente vers la mort. Au cinéma, l’escalier est aussi souvent montré comme un lieu de rencontres. Ainsi, Kate et Jack se rencontrent dans Titanic (1998) sur les marches de l’impressionnant escalier de la salle à manger. Il s’agit également d’un symbole de statut social faisant référence à la différence de classe des deux passagers. En outre, les escaliers dans les films symbolisent souvent la psyché des protagonistes. La mégalomanie de Charles Foster Kane dans Citizen Kane (1942) est reflétée par l’escalier surdimensionné de son foyer. Alfred Hitchcock utilise l’escalier dans Vertigo (1958) pour démontrer le sentiment éponyme de vertige.

Joker (2019) et les escaliers du Bronx

Un escalier a fait sensation au cours des quatre dernières semaines : Les escaliers de la nouvelle adaptation de Joker (2019) se sont transformés en objet culte et en lieu de pèlerinage. Dans une scène du film, le protagoniste Arthur Fleck (Joaquin Phoenix) descend l’escalier en dansant en tenue de Joker et célèbre sa transformation en Joker (Lien vers la scène dans la bande-annonce officielle:https://www.youtube.com/watch?v=k1z-45O-ZHQ). L’escalier symbolise ici la psyché du protagoniste. Il décrit son parcours d’outsider, d’autre de la société bourgeoise, qui tente de compenser sa marginalité par la violence. L’escalier peut aussi symboliser sa descente dans les bas-fonds du crime, son cheminement pour devenir un tueur fou. Il est mis en scène selon son nom de joker entre héros tragique et farceur comique. La scène du film a trouvé des milliers d’imitateurs enthousiastes. Sur Instagram, les fans postent leur propre numéro de danse sur les marches mêmes, où le film a été tourné à New York, sous le Hashtag #jokerstairs.

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