Les causes neurales de l’amusie congénitale

Jan 6, 2022
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L’amusie congénitale est un trouble à vie du traitement des hauteurs et de la perception de la musique qui touche ∼4% de la population (Peretz et al., 2002 ; Peretz et Hyde, 2003). Malgré une audition et une reconnaissance de la parole normales, ainsi que l’absence de lésions cérébrales antérieures ou de déficits cognitifs, les personnes atteintes d’amusie congénitale ont des difficultés à reconnaître les mélodies et à détecter les changements de hauteur (Peretz et al., 2002 ; Tillmann et al., 2009 ; Liu et al., 2010). On pense que leur « surdité musicale » reflète des déficiences sous-jacentes dans la perception et la mémoire des hauteurs. Cependant, les causes neurales sous-jacentes de l’amusie congénitale sont encore activement débattues.

Des études antérieures ont suggéré trois causes neurales possibles pour l’amusie congénitale. La première est que l’amusie congénitale est associée à une connectivité frontotemporale réduite, ce qui rend difficile pour les personnes atteintes de ce trouble d’accéder consciemment aux informations de hauteur codées dans leur cortex auditif (Loui et al., 2009 ; Hyde et al., 2011 ; Albouy et al., 2013, 2015 ; mais voir Chen et al., 2015). Par ailleurs, les déficits liés à la hauteur du son peuvent être causés par des dysfonctionnements du cortex frontal (Hyde et al., 2006, 2011 ; Albouy et al., 2013). Par exemple, Albouy et al. (2013) ont révélé que les oscillations gamma basses (de 30 à 40 Hz) dans le cortex préfrontal dorsolatéral droit (DLPFC) étaient plus faibles chez les amuseurs que chez les témoins sains. Une troisième possibilité, cependant, est que les individus atteints d’amusie congénitale ont une ou plusieurs régions anormales sensibles à la hauteur de son dans leur cortex auditif, malgré le fait que le cortex auditif semble avoir des réponses normales aux changements de hauteur de son (Hyde et al., 2011 ; Moreau et al., 2013 ; mais voir Albouy et al., 2013 ; Zendel et al., 2015). Norman-Haignere et al. (2016) ont examiné la troisième possibilité en étudiant l’activation spécifique à la hauteur du son dans le cortex auditif. Des sujets amusiques et des témoins appariés selon l’âge et l’éducation ont écouté passivement des tonalités harmoniques et des bruits appariés en fréquence pendant un scan IRMf. Les résultats ont révélé que : (1) les sujets amusiques et les témoins ont tous deux montré une activation plus forte dans les voxels sensibles à la hauteur du son pour les sons harmoniques que pour le bruit dans un emplacement anatomique similaire. (2) Aucune différence n’a été trouvée dans l’activation des voxels sensibles à la hauteur du son entre les personnes amusiques et les témoins. (3) La sélectivité des voxels sensibles à la hauteur dans le cortex auditif n’a montré aucune différence entre les amusiques et les témoins.

En somme, Norman-Haignere et al. (2016) ont démontré que les régions sensibles à la hauteur dans le cortex auditif des amusiques sont comparables en étendue, sélectivité et localisation anatomique à celles des témoins. Ces résultats suggèrent donc qu’il est peu probable que l’amusie congénitale soit causée par des déficits dans ces régions, et combinés à d’autres études (Hyde et al., 2011 ; Moreau et al., 2013 ; Zendel et al., 2015), ils suggèrent que les déficits de traitement de la hauteur des sons chez les personnes amusiques sont dus à des déficiences dans des régions autres que les zones sensibles à la hauteur des sons. Considérant que les personnes amusiques peuvent présenter un effet d’amorçage normal de l’attente des notes (réponse plus rapide aux notes attendues) en fonction du contexte de la hauteur musicale (Omigie et al., 2012) et que certaines personnes amusiques présentent des déficits dans la perception de la musique mais pas dans la discrimination de la hauteur (Tillmann et al., 2009 ; Liu et al., 2010), il est plausible que l’amusie congénitale résulte de déficits dans la connectivité frontotemporale ou de dysfonctionnements dans le cortex frontal.

Des résultats neurologiques récents soutiennent cet argument. Des études sur des individus atteints d’amusie congénitale ont révélé une densité réduite de la matière blanche dans le gyrus frontal inférieur droit (Hyde et al., 2006), des malformations corticales dans le gyrus frontal inférieur droit et le cortex auditif droit (Hyde et al., 2007), et une désactivation anormale dans le gyrus frontal inférieur droit (Hyde et al., 2011). Une étude plus récente de magnétoencéphalographie a également rapporté une diminution des oscillations gamma basses dans le DLPFC droit pendant la tâche de mémorisation des hauteurs de son (Albouy et al., 2013). Ces études ne permettent cependant pas de distinguer si l’amusie congénitale est le résultat d’une faible connectivité ou si elle est due aux déficits du cortex préfrontal.

Une étude récente de Schaal et al. (2015) soutient la possibilité que les causes neuronales de l’amusie congénitale soient situées dans le cortex frontal. Sur la base de résultats antérieurs (Albouy et al., 2013), Schaal et al. (2015) ont démontré que la modulation du DLPFC droit par une stimulation transraciale à courant alternatif (tACS) à 35 Hz améliorait sélectivement la mémoire des hauteurs, mais pas la mémoire visuelle, chez les amusiques. Les participants ont reçu une tACS de 35 ou 90 Hz pendant une tâche d’empan à court terme de la mémoire des sons et une tâche d’empan à court terme de la mémoire visuelle. Les résultats ont montré que le tACS à 35 Hz améliorait de manière significative la performance comportementale dans la tâche de mémoire des hauteurs de son chez les personnes atteintes d’amnésie, au point qu’il n’y avait pas de différence de performance significative entre les personnes atteintes d’amnésie et les témoins. De tels résultats suggèrent une relation causale entre l’amusie congénitale et les dysfonctionnements du cortex préfrontal, en particulier le DLPFC droit.

Étant donné que les personnes atteintes d’amusie congénitale ont des régions normales sensibles à la hauteur dans le cortex auditif et qu’une augmentation de l’activité dans le DLPFC peut conduire à une facilitation de la performance dans une tâche de mémoire de hauteur (Schaal et al, 2015 ; Norman-Haignere et al., 2016), nous pourrions conclure que les déficiences du DLPFC droit sont les principales causes de l’amusie congénitale. Cependant, il est également possible que la stimulation appliquée de 35 Hz tACS ait modulé la connectivité entre le DLPFC droit et le cortex auditif plutôt que le DLPFC droit lui-même. Une étude plus approfondie est nécessaire pour exclure cette possibilité.

Notes de bas de page

  • Note de l’éditeur : Ces courtes analyses critiques d’articles récents publiés dans le Journal, rédigées exclusivement par des étudiants diplômés ou des boursiers postdoctoraux, visent à résumer les résultats importants de l’article et à fournir un aperçu et des commentaires supplémentaires. Pour plus d’informations sur le format et le but du Journal Club, veuillez consulter http://www.jneurosci.org/misc/ifa_features.shtml.

  • Nous remercions Xuejing Lu et Lauren Power pour une discussion efficace, ainsi que Lauren Power et deux éditeurs pour la relecture.

  • Les auteurs ne déclarent aucun intérêt financier concurrent.

  • La correspondance doit être adressée à Jie Yuan,Weiqing Building, Room 311, Tsinghua University, 100084 Beijing, China.yuanjie11{at}mails.tsinghua.edu.cn

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