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Oct 5, 2021
admin

L’ascendance des hippopotames est quelque peu une énigme. Pendant longtemps, les paléontologues ont pensé que ces animaux semi-aquatiques, à la morphologie inhabituelle (canines et incisives à croissance continue, crâne primitif et usure trifoliée des dents), étaient apparentés à la famille des Suidés, qui comprend les porcs et les pécaris. Mais dans les années 1990 et 2000, des comparaisons d’ADN ont montré que les plus proches parents vivants de l’hippopotame étaient les cétacés (baleines, dauphins, etc.), ce qui contredisait la plupart des interprétations paléontologiques. De plus, le manque de fossiles a considérablement entravé les tentatives de découvrir la vérité sur l’évolution de l’hippopotame.

De nouveaux travaux paléontologiques menés par un groupe de chercheurs français et kényans ont maintenant révélé que les hippopotames ne sont pas apparentés aux suoïdes mais descendent plutôt d’un autre groupe, aujourd’hui éteint. Les nouveaux fossiles étudiés ont permis de construire le premier scénario évolutif compatible à la fois avec les données génétiques et paléontologiques. En analysant une demi-mâchoire et plusieurs dents découvertes à Lokone (dans le bassin du lac Turkana, au Kenya), l’équipe franco-kényane a décrit une nouvelle espèce fossile (appartenant à un nouveau genre (2)), datant d’environ 28 millions d’années. Ils l’ont nommée Epirigenys lokonensis, du mot « Epiri » qui signifie hippopotame en langue Turkana et du site de découverte, Lokone.

En comparant les caractéristiques des dents fossiles avec celles des ruminants, des suoïdes, des hippopotames et des anthracothères fossiles (une famille d’ongulés éteinte), les scientifiques ont reconstitué les relations entre ces groupes. Les résultats montrent qu’Epirigenys constitue une sorte de transition évolutive entre le plus ancien hippopotame connu dans les archives fossiles (il y a environ 20 millions d’années) et une lignée d’anthracothères. Cette position dans l’arbre du vivant est compatible avec les données génétiques, confirmant que les cétacés sont les plus proches cousins vivants des hippopotames.

Ce genre de découverte pourrait un jour permettre aux scientifiques de dresser un portrait de l’ancêtre commun des cétacés et des hippopotames. En effet, l’analyse d’Epirigenys (28 millions d’années) a permis de relier les hippopotames actuels à une lignée d’anthracothères, dont les plus anciens remontent à environ 40 millions d’années. Or, jusqu’à présent, le plus ancien ancêtre connu des hippopotames avait environ 20 millions d’années, alors que les premiers fossiles de cétacés ont 53 millions d’années. Le fossé temporel entre les hippopotames d’aujourd’hui et les plus anciens cétacés est ainsi comblé de près de 75% selon le scénario actuel.

En outre, cette découverte montre toute l’histoire de la faune africaine sous un jour nouveau. L’Afrique était un continent isolé il y a environ 110 à 18 millions d’années. La plupart des animaux emblématiques de la faune africaine (lions, léopards, rhinocéros, buffles, girafes, zèbres, etc.) sont des arrivées relativement récentes sur le continent (ils y sont présents depuis moins de 20 millions d’années). Jusqu’à présent, on pensait qu’il en était de même pour les hippopotames, mais la découverte d’Epirigenys démontre que leurs ancêtres anthracothères ont migré d’Asie en Afrique il y a environ 35 millions d’années.

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